Un système imposé plus qu’adopté : après 4 ans, Windows 11 dépasse enfin Windows 10 dans le monde, mais c'est encore loin d'être le cas en France comment l'OS s’est hissé en tête malgré la réticence des utilisateurs
Il aura fallu presque quatre ans pour que Windows 11 devienne enfin le système d’exploitation de bureau le plus utilisé au monde. Lancé en octobre 2021, ce successeur de Windows 10 n’a pas connu le même engouement que son prédécesseur. Mais en juillet 2025, selon les données de StatCounter, Windows 11 est parvenu à dépasser Windows 10 au niveau mondial : une étape symbolique qui marque un tournant dans l’histoire des OS Microsoft. Pourtant, la France fait exception. Dans l’Hexagone, Windows 10 continue de dominer très nettement. Comment expliquer cette résistance ? Et qu'est-ce que cela nous dit-il sur les dynamiques technologiques actuelles ?
Selon les dernières données de StatCounter, Windows 11 a franchi un point décisif en juillet 2025 en dépassant Windows 10 avec environ 52 % de parts de marché contre 44,59 % pour son prédécesseur. Il s'agit d'un changement important par rapport au mois précédent où Windows 10 est resté en tête avec 48,76 % et Windows 11 avec 47,98 %. Windows 11 n'était donc pas loin d'avoir un point de pourcentage de retard en juin, mais il est maintenant en tête avec 7,4 %, soit un écart de près de 10 %.
Cette bascule intervient à moins de quatre mois de la fin du support officiel de Windows 10, programmée pour le 14 octobre 2025. Un tournant que l’on pouvait anticiper, Microsoft intensifiant ses efforts (notifications de mise à niveau, offres pour les nouveaux PC, incitations pour les entreprises) afin d’accélérer la migration.
Windows 11 est devenu le système d'exploitation le plus populaire pour les jeux sur PC en septembre, mais son adoption globale était jusqu'à présent inférieure à celle de Windows 10. Des données divulguées en octobre 2023 ont également révélé que Windows 11 était utilisé par plus de 400 millions d'appareils à l'époque, un rythme d'adoption plus lent que celui de Windows 10, qui n'a mis qu'un an pour atteindre 400 millions d'appareils, alors que Windows 11 a mis deux ans à le faire.
Une victoire mondiale pour Windows 11, enfin...
Après des mois de stagnation, les courbes se sont enfin croisées. Ce changement de cap ne doit rien au hasard. Microsoft a multiplié les stratégies pour forcer la main aux utilisateurs :
- Des messages de mise à niveau de plus en plus insistants ;
- Des préinstallations sur toutes les nouvelles machines depuis 2022 ;
- Des pressions sur les fabricants pour exclure Windows 10 des configurations OEM ;
- La perspective de la fin du support de Windows 10, prévue pour le 14 octobre 2025.
Avec cette échéance, Microsoft pousse les utilisateurs à migrer pour ne pas rester exposés à des failles de sécurité. L’argument est fort : Windows 10 n’aura plus de mises à jour gratuites, sauf via le programme ESU (Extended Security Updates), réservé aux entreprises… et payant.
Bien que Microsoft ait offert en quelques sortes une mise à niveau gratuite aux utilisateurs de Windows 10 (pour bénéficier de cette offre uniquement la première année, l'utilisateur doit être un particulier et, s'il ne veut pas payer 30 dollars pour ce privilège, il doit se servir de Windows Backup pour synchroniser ses paramètres sur le cloud ou échanger 1 000 points Microsoft Rewards), des millions de machines (400 millions selon des estimations) seront laissées de côté en raison des exigences plus strictes en matière de processeur et de sécurité. Microsoft a essayé de convaincre les propriétaires de ces machines de mettre à jour leur matériel afin d'obtenir Windows 11, parfois avec une invite en plein écran.
Une progression lente, très lente
Il aura néanmoins fallu près de quatre ans pour que Windows 11 s’impose. Un contraste saisissant avec Windows 10, qui avait atteint 40 % d’adoption mondiale un an seulement après sa sortie en 2015.
Pourquoi un tel retard ?
- Des exigences matérielles contraignantes : Windows 11 nécessite une puce TPM 2.0, un processeur récent (au moins Intel de 8ᵉ génération ou AMD Ryzen 2000), et une configuration relativement moderne. Cela exclut des millions de machines, encore parfaitement fonctionnelles.
- Une interface controversée : certains utilisateurs dénoncent des changements inutiles (menu Démarrer centré, absence de certaines fonctions classiques, menus contextuels simplifiés).
- Des pratiques jugées agressives : publicités intégrées, incitation constante à utiliser Microsoft Edge ou OneDrive, mise en avant de Copilot, le chatbot IA intégré.
Autant de freins qui ont ralenti l’adoption, surtout dans les contextes professionnels où la stabilité prime sur la nouveauté.
Le cas français : résistance et conservatisme numérique
En France, les statistiques montrent une résistance notable à cette tendance mondiale. D’après les chiffres actualisés de StatCounter pour la France en juin 2025, la situation est inversée :
- Windows 10 : 54,94 %
- Windows 11 : 41,07 %
- Windows 7 et autres : < 4 % cumulés
Ce décalage n’est pas anodin. Il révèle des spécificités culturelles, économiques et politiques propres à l’écosystème français.
Windows Recall, une fonctionnalité controversée proposée sur Windows 11
Windows Recall se présente comme un outil d’historique intelligent visant à améliorer la productivité des utilisateurs. Concrètement, la fonctionnalité prend des clichés de l’écran à intervalles réguliers et conserve un journal consultable de tout ce que l’utilisateur fait sur son PC. Applications ouvertes, fenêtres actives, documents consultés, pages web lues… tout est capturé. L’objectif affiché est de permettre à l’utilisateur de retrouver rapidement un contenu sur lequel il a travaillé ou qu’il a vu précédemment, via une recherche naturelle ou une chronologie visuelle.
Cette « mémoire numérique » est alimentée par l’IA : sur les machines équipées d’un processeur avec unité de traitement neuronal (NPU), les captures sont analysées localement pour créer un index sémantique. L’utilisateur peut ainsi rechercher un terme ou un contexte, et Recall lui affichera l’instantané correspondant dans son historique. En somme, Windows Recall veut offrir aux professionnels un moyen de ne plus jamais perdre une information vue à l’écran, en comblant les lacunes de la mémoire humaine par une indexation exhaustive de l’activité passée.
Microsoft a finalement lancé cette fonctionnalité controversée sur Windows 11 auprès du grand public, qui avait été dévoilée pratiquement un an avant puis retardée. Initialement annoncée en mai 2024, cette fonctionnalité devait offrir une « mémoire photographique » à l’ordinateur, en enregistrant en continu l’activité de l’utilisateur pour lui permettre de retrouver facilement des informations consultées précédemment. Cependant, les inquiétudes sur la vie privée ont rapidement éclaté, forçant Microsoft à revoir sa copie. Désormais déployé sur les PC compatibles Copilot+ (les PC Windows 11 équipés de capacités d’IA avancées), Windows Recall arrive avec des améliorations de sécurité et de confidentialité significatives, mais continue de soulever des questions chez les experts en cybersécurité et en protection des données.
Windows 11, OneDrive et l'enfer du cloud
OneDrive, comme de nombreux autres services de stockage cloud, est présenté comme la solution ultime pour la sauvegarde et l'accès universel à nos données. L'idée est séduisante : ne plus s'inquiéter des pannes de disque dur, des pertes d'ordinateurs portables ou des catastrophes naturelles. Vos fichiers sont « dans le cloud », accessibles depuis n'importe où, n'importe quand. Pour des millions d'utilisateurs, c'est une liberté précieuse. Mais un incident est venu briser cette illusion de sécurité absolue.
En effet, un utilisateur de Windows 11 raconte comment la décision d’utiliser OneDrive comme espace intermédiaire pour transférer des données s’est retournée contre lui. Il avait prévu de déplacer trois décennies de photos précieuses et de travaux professionnels depuis d’anciens disques vers un nouveau support, en utilisant OneDrive comme « zone tampon ». Mais cela a mal tourné : son compte Microsoft a été subitement bloqué, verrouillant l’accès à ses 30 ans de souvenirs stockés sur le cloud. Cette affaire n'est pas un simple désagrément technique. C'est une tragédie personnelle et professionnelle qui soulève des questions fondamentales sur la fiabilité des services cloud, la responsabilité des géants de la technologie et la fragilité de notre existence numérique.
Microsoft accusé de « chantage technologique »
La stratégie de Microsoft, qui consiste à mettre fin au support de Windows 10 et à imposer des conditions strictes pour l'adoption de Windows 11, a été qualifiée de « chantage technologique » par KDE : les utilisateurs se voient contraints de choisir entre l'achat d'un nouvel ordinateur compatible ou le paiement d'un abonnement pour continuer à recevoir des mises à jour de sécurité.
Et de déclarer : « Même si vous acceptez ce chantage technologique aujourd'hui, dans quelques années, ils recommenceront comme ils l'ont fait à maintes reprises dans le passé ».
La campagne « W10 for Exiles » de KDE s'adresse aux millions d'utilisateurs de Windows 10 qui seront confrontés à la fin du support gratuit de leur système d'exploitation. KDE met en avant son environnement de bureau Plasma comme alternative gratuite, moderne et personnalisable, capable de fonctionner efficacement sur des machines plus anciennes.
Cette initiative vise à offrir une solution aux utilisateurs dont les ordinateurs ne répondent pas aux exigences matérielles strictes de Windows 11, notamment l'absence de TPM 2.0 ou de processeurs récents.
La page alarmante « Exiles » de KDE s'ouvre sur le texte « Votre ordinateur est bon pour la casse », suivi d'un avertissement selon lequel Microsoft veut transformer les ordinateurs fonctionnant sous Windows 10 en déchets à partir du 14 octobre : « Il peut sembler qu'il continue à fonctionner après cette date pendant un certain temps, mais lorsque Microsoft cessera de prendre en charge Windows 10, votre ordinateur en parfait état sera officiellement obsolète. »
Un succès en demi-teinte pour Microsoft
Si l'on se place du point de vue de Microsoft, cette « victoire mondiale » reste teintée d’amertume :
- Un délai inédit pour dépasser son aîné ;
- Des utilisateurs qui migrent à contrecœur, souvent par obligation (nouvel appareil, fin de support) ;
- Une fracture numérique accrue entre pays, régions, générations et catégories professionnelles.
La firme a certes atteint un objectif symbolique, mais le taux d’adhésion spontanée reste faible. Et la perception de Windows 11 reste divisée.
Et après ? Vers une adoption par défaut, mais non par adhésion
Avec l’échéance du 14 octobre 2025, l’histoire de Windows 10 entre dans sa dernière phase. Il est probable que la France verra un bond d’adoption de Windows 11 à partir de septembre, notamment dans les milieux professionnels.
Mais cette migration ne sera pas l’expression d’un choix enthousiaste. Elle sera contrainte, motivée par des enjeux de sécurité et de conformité. Le vrai défi de Microsoft ne sera donc pas d’atteindre un pourcentage plus important d’adoption, mais de réconcilier les utilisateurs avec son nouvel environnement logiciel.
Et si les rumeurs autour de Windows 12 en 2026 se confirment, une autre bataille débutera : celle de la crédibilité, de l’innovation utile, et de la confiance.
Conclusion
Le fait que Windows 11 devienne leader mondial des systèmes d’exploitation de bureau Windows est un jalon important… mais ce succès est à relativiser. En France, Windows 10 reste roi, preuve qu’un changement d’OS ne se décrète pas, surtout quand les conditions matérielles, économiques et culturelles ne sont pas réunies.
Microsoft a peut-être gagné une manche, mais pas encore la guerre de la modernisation. Et si Windows 11 est aujourd’hui incontournable, il reste encore à en faire un système désiré, et non simplement toléré.
Source : Statcounter
Et vous ?
Si vous êtes passé à Windows 11, l'avez-vous fait par choix ou par nécessité ?
La lente adoption de Windows 11 est-elle un échec commercial ou un simple ralentissement contextuel ?
Est-il acceptable que Microsoft rende un système d’exploitation inaccessible à une partie du parc mondial encore fonctionnel ?
Qu'est-ce qui pourrait, selon vous, expliquer la situation de Windows 11 en France ?
L’exigence matérielle n’est-elle pas une stratégie déguisée d’obsolescence forcée ?
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